Scepticisme général sur la mesure extrêmement puissante pour le logement
Publié le 04/02/2012
02/02/2012 - Scepticisme général sur la mesure extrêmement puissante pour le logement - Source : Universimmo presse
L'annonce le 29 janvier par le président de la République de l'augmentation de 30% des plafonds de constructibilité des terrains, comme une solution décisive à la crise du logement n'a pas créé le choc espéré, c'est le moins qu'on puisse dire. Devant les premières réactions négatives ou sceptiques le 30 au matin, Nathalie Kosciusco-Morizet et Benoist Apparu, respectivement ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, et secrétaire d'Etat au logement, ont convoqué les professionnels de la promotion immobilière et du bâtiment pour une réunion l'après-midi, suivie d'une conférence de presse improvisée pour les entendre manifester leur enthousiasme, ce qui ne s'est d'ailleurs pas vraiment produit.
A l'évocation d'une étude d'impact de la mesure annoncée et explicitée lors de cette réunion - la hausse automatique, sauf délibération municipale contraire, de tous les plafonds de constructibilité (COS, hauteur, gabarit) dans toutes les communes ayant fait l'objet d'un plan d'occupation des sols (POS) ou d'un plan local d'urbanisme (PLU) jusqu'en juillet 2015 - prévoyant la construction de 40.000 logements supplémentaires par an dès l'entrée en application d'une loi très courte (un article) à faire voter avant la présidentielle, la réaction d'Alain Dinin, président du n°1 de la promotion immobilière en France est claire : l'effet ne pourra être que très marginal, les promoteurs ayant déjà du mal, dans les zones tendues comme l'Ile-de-France à utiliser à 100% leurs droits actuels de constructibilité sur les terrains disponibles, les maires leur imposant des limitation de hauteur, de gabarit, et les limitant même dans le nombre de logements créés faute de moyens pour faire suivre les équipements collectifs qui doivent accompagner tout accroissement de la population (écoles, équipements sportifs et culturels, etc.).
Autre question d'Alain Dinin à la ministre : pour qui pourraient être créés ces 40.000 logements, alors que les investisseurs désertent le logement locatif faute de rentabilité (pour les institutionnels) et d'incitations fiscales (pour les privés) suffisantes, et que les primo-accédants souhaitant acheter pour se loger voient leur capacité de financement réduite par la hausse des taux d'intérêt et la politique d'octroi des crédits immobiliers de plus en plus restrictive des banques ? "Aujourd'hui, avec la hausse des taux d'intérêt, la mensualité des Français, à achat équivalent, a augmenté de 14% en un an", indique-t-il, laissant entendre que sans baisse des prix, il n'est pas certain qu'il y ait suffisamment d'acquéreurs solvables pour ces logements supplémentaires. En témoigne déjà la chute des ventes dans le neuf amorcée depuis la mi-2011, et qui s'accentue fortement en 2012 !
La ministre a aussi évoqué, comme l'avait fait Nicolas Sarkozy le 29 janvier, la possibilité qui sera ouverte aux particuliers propriétaires de maisons individuelles d'agrandir leur maison au delà des limites de constructibilité actuelles imposées par le coefficient d'occupation des sols (COS) local. "Cela peut leur permettre d'aménager dans leur maison un nouveau logement pour leurs enfants, ou même construire une seconde maison sur le même terrain s'il y a la place", a-t-elle notamment indiqué. Reste à savoir quel est le potentiel de création de logements d'une telle possibilité. Quant à la possibilité d'augmenter la hauteur, elle soulève pas mal d'interrogations. La surélévation d'immeubles existants est très délicate comme le rappelle un participant : "ajouter des étages à un immeuble suppose qu'on soit sûr que sa structure pourra le supporter", a-t-il rappelé non sans bon sens... En copropriété, c'est pratiquement mission impossible ! Pour les nouveaux immeubles, "les propriétaires apprécient rarement qu'on construise des immeubles plus hauts dans leur quartier", estime François Bertière, PDG de Bouygues immobilier, par ailleurs plutôt favorable à cette augmentation du COS. "On risque d'assister à une explosion des recours contre les permis de construire"...
Aucun espoir n'est en tous cas permis de voir par cette mesure baisser les prix des logements et des loyers, alors que le président de la République la présentait comme une réponse "puissante" à la singularité française, qui selon lui consiste à voir en pleine crise les prix de l'immobilier continuer à augmenter ! La raison en est simple : aucune mesure n'est prévue pour empêcher le prix des terrains de se valoriser par cette augmentation de constructibilité, véritable aubaine pour les propriétaires, laissant les promoteurs avec un coût du foncier par logement construit inchangé. L'on sait en effet que le prix des terrains constructibles s'établit sur un marché non régulé "à l'envers", à partir du prix de vente maximum auquel les promoteurs peuvent vendre les logements constructibles, et après déduction d'une marge bénéficiaire normale de l'ordre de 30% et du coût de construction moyen de ces logements ; c'est le cas pour les propriétaires privés, mais aussi dans la pratique pour les terrains vendus par l'Etat ou mis à disposition par les collectivités, ceux-ci les vendant aux promoteurs au prix du marché calculé de la même manière.
Alain Dinin regrette qu'une telle mesure ne soit pas insérée dans un plan d'ensemble qu'il appelle de ses voeux, permettant de dégager du foncier à coût maîtrisé et à mieux mutualiser les ressources disponibles, trop placées aujourd'hui sous la coupe des maires.
Autre cause de maintien des prix du neuf : la hausse de TVA annoncée par ailleurs dans le cadre du projet de TVA sociale : pas sûr que les promoteurs acceptent de la prendre en charge dans leur marge... Quant aux prix de l'ancien et aux loyers, d'ici à ce qu'ils soient tirés à la baisse par une inondation du marché en logements nouveaux, la crise du logement que s'apprête à dénoncer une nouvelle fois la Fondation Abbé Pierre a de beaux jours devant elle...
"Trop peu, trop tard", dit aussi François Gagnon, Président de ERA France et ERA Europe : "cette mesure est insuffisante : certes, elle va aider le secteur du bâtiment que la disparition annoncée au 31 décembre du dispositif Scellier inquiétait beaucoup mais permettra-t-elle de résoudre le problème du logement en France ? Rien n'est moins sûr. Penser que l'augmentation de l'offre en surface va faire baisser les prix n'est pas très réaliste ou alors la mesure n'aura d'efficacité qu'à très long terme, tellement le déficit de logements est important en France. De plus, dans les grandes villes, le problème principal est celui du foncier disponible. Celui-ci ne va pas augmenter d'un coup de baguette magique. Par ailleurs, je vois difficilement comment des architectes et des promoteurs pourraient revenir sur la conception d'un programme lancé il y a un an ou deux pour y ajouter un étage ou un bâtiment. Bref, pour le Français qui cherche aujourd'hui à acheter ou à louer un logement, la mesure ne va pas changer grand-chose"...
L'Etat sera tout de même poussé à vendre ses terrains - ou ceux des entreprise publiques telles que la SNCF - mais il ne faut pas s'attendre à des miracles. L'objectif de la première campagne de vente, de permettre la création de 70.000 logements, n'est atteint qu'à 80%, a reconnu la ministre (55.000 logements). Pour la campagne 2012-2016, l'objectif visé est encore plus ambitieux : 50.000 logements en Ile-de-France et 50.000 en régions. Les préfets seront dotés de pouvoirs supplémentaires dans ce but, et des sanctions sont envisagées contre les administrations qui traîneraient les pieds... L'Etat envisage à présent - c'est une des préconisations d'un rapport récent réalisé par l'Institut de l'Épargne Immobilière et Foncière (IEIF) à la demande du "pôle de compétitivité mondial" Finance Innovation - de développer la technique du bail emphytéotique : elle ne dépossède pas l'Etat de son patrimoine et permet de dissocier la charge du foncier de celle de la construction, en l'étalant sur une très longue période. Elle peut permettre à des investisseurs institutionnels de revenir sur un marché de l'immobilier résidentiel qu'ils ont quasi-totalement quitté, et de compenser pour les bailleurs sociaux la réduction des subventions de l'Etat à la construction de HLM.
Rien de concret n'est par contre prévu sur ce plan, ont reconnu les ministres qui faisaient visiblement service minimum : il s'agit pour le moment de faire simple, vite, et sans argent ; pour le reste on verra plus tard !
Dernier point : pour le logement social cela ne changera pas grand chose non plus : pour les HLM, il y a déjà une dérogation de 20% pour le COS ; un conseil municipal peut accorder un droit de dépassement sans contrepartie financière en faveur du logement social.
A noter aussi qu'une dérogation de dépassement jusqu'à 50% existe déjà (créée par la loi "Grenelle II") pour la construction de logements "satisfaisant à des critères de performance énergétique élevée ou alimentées à partir d'équipements performants de production d'énergie renouvelable ou de récupération". L'annonce de Nicolas Sarkozy tend à "généraliser un bonus qui existe déjà pour les constructions écologiques", déclarait le lendemain Benoît Hartmann, porte-parole de France nature environnement (FNE), ajoutant que "si on fait sauter cette incitation en généralisant la règle, les promoteurs vont aller sur ce qui leur rapporte le plus"...
A l'évocation d'une étude d'impact de la mesure annoncée et explicitée lors de cette réunion - la hausse automatique, sauf délibération municipale contraire, de tous les plafonds de constructibilité (COS, hauteur, gabarit) dans toutes les communes ayant fait l'objet d'un plan d'occupation des sols (POS) ou d'un plan local d'urbanisme (PLU) jusqu'en juillet 2015 - prévoyant la construction de 40.000 logements supplémentaires par an dès l'entrée en application d'une loi très courte (un article) à faire voter avant la présidentielle, la réaction d'Alain Dinin, président du n°1 de la promotion immobilière en France est claire : l'effet ne pourra être que très marginal, les promoteurs ayant déjà du mal, dans les zones tendues comme l'Ile-de-France à utiliser à 100% leurs droits actuels de constructibilité sur les terrains disponibles, les maires leur imposant des limitation de hauteur, de gabarit, et les limitant même dans le nombre de logements créés faute de moyens pour faire suivre les équipements collectifs qui doivent accompagner tout accroissement de la population (écoles, équipements sportifs et culturels, etc.).
Autre question d'Alain Dinin à la ministre : pour qui pourraient être créés ces 40.000 logements, alors que les investisseurs désertent le logement locatif faute de rentabilité (pour les institutionnels) et d'incitations fiscales (pour les privés) suffisantes, et que les primo-accédants souhaitant acheter pour se loger voient leur capacité de financement réduite par la hausse des taux d'intérêt et la politique d'octroi des crédits immobiliers de plus en plus restrictive des banques ? "Aujourd'hui, avec la hausse des taux d'intérêt, la mensualité des Français, à achat équivalent, a augmenté de 14% en un an", indique-t-il, laissant entendre que sans baisse des prix, il n'est pas certain qu'il y ait suffisamment d'acquéreurs solvables pour ces logements supplémentaires. En témoigne déjà la chute des ventes dans le neuf amorcée depuis la mi-2011, et qui s'accentue fortement en 2012 !
La ministre a aussi évoqué, comme l'avait fait Nicolas Sarkozy le 29 janvier, la possibilité qui sera ouverte aux particuliers propriétaires de maisons individuelles d'agrandir leur maison au delà des limites de constructibilité actuelles imposées par le coefficient d'occupation des sols (COS) local. "Cela peut leur permettre d'aménager dans leur maison un nouveau logement pour leurs enfants, ou même construire une seconde maison sur le même terrain s'il y a la place", a-t-elle notamment indiqué. Reste à savoir quel est le potentiel de création de logements d'une telle possibilité. Quant à la possibilité d'augmenter la hauteur, elle soulève pas mal d'interrogations. La surélévation d'immeubles existants est très délicate comme le rappelle un participant : "ajouter des étages à un immeuble suppose qu'on soit sûr que sa structure pourra le supporter", a-t-il rappelé non sans bon sens... En copropriété, c'est pratiquement mission impossible ! Pour les nouveaux immeubles, "les propriétaires apprécient rarement qu'on construise des immeubles plus hauts dans leur quartier", estime François Bertière, PDG de Bouygues immobilier, par ailleurs plutôt favorable à cette augmentation du COS. "On risque d'assister à une explosion des recours contre les permis de construire"...
Aucun espoir n'est en tous cas permis de voir par cette mesure baisser les prix des logements et des loyers, alors que le président de la République la présentait comme une réponse "puissante" à la singularité française, qui selon lui consiste à voir en pleine crise les prix de l'immobilier continuer à augmenter ! La raison en est simple : aucune mesure n'est prévue pour empêcher le prix des terrains de se valoriser par cette augmentation de constructibilité, véritable aubaine pour les propriétaires, laissant les promoteurs avec un coût du foncier par logement construit inchangé. L'on sait en effet que le prix des terrains constructibles s'établit sur un marché non régulé "à l'envers", à partir du prix de vente maximum auquel les promoteurs peuvent vendre les logements constructibles, et après déduction d'une marge bénéficiaire normale de l'ordre de 30% et du coût de construction moyen de ces logements ; c'est le cas pour les propriétaires privés, mais aussi dans la pratique pour les terrains vendus par l'Etat ou mis à disposition par les collectivités, ceux-ci les vendant aux promoteurs au prix du marché calculé de la même manière.
Alain Dinin regrette qu'une telle mesure ne soit pas insérée dans un plan d'ensemble qu'il appelle de ses voeux, permettant de dégager du foncier à coût maîtrisé et à mieux mutualiser les ressources disponibles, trop placées aujourd'hui sous la coupe des maires.
Autre cause de maintien des prix du neuf : la hausse de TVA annoncée par ailleurs dans le cadre du projet de TVA sociale : pas sûr que les promoteurs acceptent de la prendre en charge dans leur marge... Quant aux prix de l'ancien et aux loyers, d'ici à ce qu'ils soient tirés à la baisse par une inondation du marché en logements nouveaux, la crise du logement que s'apprête à dénoncer une nouvelle fois la Fondation Abbé Pierre a de beaux jours devant elle...
"Trop peu, trop tard", dit aussi François Gagnon, Président de ERA France et ERA Europe : "cette mesure est insuffisante : certes, elle va aider le secteur du bâtiment que la disparition annoncée au 31 décembre du dispositif Scellier inquiétait beaucoup mais permettra-t-elle de résoudre le problème du logement en France ? Rien n'est moins sûr. Penser que l'augmentation de l'offre en surface va faire baisser les prix n'est pas très réaliste ou alors la mesure n'aura d'efficacité qu'à très long terme, tellement le déficit de logements est important en France. De plus, dans les grandes villes, le problème principal est celui du foncier disponible. Celui-ci ne va pas augmenter d'un coup de baguette magique. Par ailleurs, je vois difficilement comment des architectes et des promoteurs pourraient revenir sur la conception d'un programme lancé il y a un an ou deux pour y ajouter un étage ou un bâtiment. Bref, pour le Français qui cherche aujourd'hui à acheter ou à louer un logement, la mesure ne va pas changer grand-chose"...
L'Etat sera tout de même poussé à vendre ses terrains - ou ceux des entreprise publiques telles que la SNCF - mais il ne faut pas s'attendre à des miracles. L'objectif de la première campagne de vente, de permettre la création de 70.000 logements, n'est atteint qu'à 80%, a reconnu la ministre (55.000 logements). Pour la campagne 2012-2016, l'objectif visé est encore plus ambitieux : 50.000 logements en Ile-de-France et 50.000 en régions. Les préfets seront dotés de pouvoirs supplémentaires dans ce but, et des sanctions sont envisagées contre les administrations qui traîneraient les pieds... L'Etat envisage à présent - c'est une des préconisations d'un rapport récent réalisé par l'Institut de l'Épargne Immobilière et Foncière (IEIF) à la demande du "pôle de compétitivité mondial" Finance Innovation - de développer la technique du bail emphytéotique : elle ne dépossède pas l'Etat de son patrimoine et permet de dissocier la charge du foncier de celle de la construction, en l'étalant sur une très longue période. Elle peut permettre à des investisseurs institutionnels de revenir sur un marché de l'immobilier résidentiel qu'ils ont quasi-totalement quitté, et de compenser pour les bailleurs sociaux la réduction des subventions de l'Etat à la construction de HLM.
Rien de concret n'est par contre prévu sur ce plan, ont reconnu les ministres qui faisaient visiblement service minimum : il s'agit pour le moment de faire simple, vite, et sans argent ; pour le reste on verra plus tard !
Dernier point : pour le logement social cela ne changera pas grand chose non plus : pour les HLM, il y a déjà une dérogation de 20% pour le COS ; un conseil municipal peut accorder un droit de dépassement sans contrepartie financière en faveur du logement social.
A noter aussi qu'une dérogation de dépassement jusqu'à 50% existe déjà (créée par la loi "Grenelle II") pour la construction de logements "satisfaisant à des critères de performance énergétique élevée ou alimentées à partir d'équipements performants de production d'énergie renouvelable ou de récupération". L'annonce de Nicolas Sarkozy tend à "généraliser un bonus qui existe déjà pour les constructions écologiques", déclarait le lendemain Benoît Hartmann, porte-parole de France nature environnement (FNE), ajoutant que "si on fait sauter cette incitation en généralisant la règle, les promoteurs vont aller sur ce qui leur rapporte le plus"...